« Les meilleurs artistes copient, les grands artistes volent, » disait apparemment Picasso. Mais que se passe-t-il lorsque l’art tombe simplement dans le giron public pour que tous puissent le piller joyeusement ? Le Nouvel An n’est pas uniquement le jour des résolutions oubliées et des gueules de bois titanesques, c’est aussi le bal masqué des œuvres qui passent dans le domaine public. Et cette année, la fête est au comble, puisque Mickey Mouse, ou du moins sa version de « Steamboat Willie » de 1928, vient d’entrer dans cet espace où le tout-venant peut s’adonner à la libre création.
Ah, mais attention ! Ne vous précipitez pas sur votre palette graphique pour commercialiser des slips à l’effigie de Mickey version 28 ! Le Mickey d’aujourd’hui reste bien au chaud sous le coup protecteur du copyright. Mais celui qui pilote le bateau à vapeur ? Absolument à disposition pour vos remixes endiablés.
Figurant parmi les créations du début du siècle dernier qui n’ont plus personne pour réclamer l’exclusivité de leur diffusion, « Steamboat Willie » rejoint ainsi une foule d’œuvres littéraires, musicales et artistiques libérées des chaînes du droit d’auteur. Ah, cette fabuleuse notion de domaine public, grâce à laquelle on peut se délecter d’horreurs telles que « Winnie l’Ourson : Du miel et du sang » (admirez ces 3% sur Rotten Tomatoes), ou d’une version queer de « Gatsby le Magnifique ».
« Steamboat Willie nous accueille tous à bord du navire du domaine public, mais attention à ne pas faire naufrage sur l’île du copyright. »
Imaginez donc, des adaptations horrifiques de « Steamboat Willie » surgissent déjà de toutes parts, autant dans le cinéma qu’en jeu vidéo. Semble-t-il que la phrase « parce que je le peux » n’inspire pas systématiquement des chefs-d’œuvre, pourtant, l’humanité se rue pour le simple plaisir d’être premier. Hé, on n’est pas sur YouTube ici!
Il est vrai que Mickey s’est déjà vu parodié (coucou South Park et son Mickey mégalo) et que la satire peut, de justesse, esquiver le tir du copyright. Mais il y a satire et… réappropriation sauvage, et cette frontière est une mine d’or pour toute une cohorte d’avocats.
À croire que le capitaine du navire « Steamboat Willie » prise les tumultes, il devait entrer dans le domaine public depuis 1984, mais Disney, dans une bataille acharnée à coups de lobbying, a repoussé l’échéance jusqu’à ce que… surprise ! Les portes du domaine public s’ouvrent en grand. Et malgré cette aventure, Disney, qui a lui-même prospéré sur des contes anciens, semble toujours résolu à protéger ses versions récentes des personnages.
Sur les réseaux sociaux, le terrain de jeu où Goliath se fait taquiner par des Davids numériques, le vieux Mickey fait des pirouettes dans les mèmes et les NFTs – même si on pressent quelques scandales 2.0 en devenir. Et puis, il y a les mèmes nihilistes où Mickey s’illustre dans des scénarios si absurdes qu’on préfère ne pas les répéter ici. La liberté d’expression à l’ère d’Internet, mes amis, c’est de pouvoir dire « parce que je le peux » tout en s’annexant un personnage légendaire.
Ce Mickey de 1928, qui a plus d’un tour dans son sac et dont les frasques d’époque se prêtent bien à des détournements, pourrait pourtant vite perdre de son attrait une fois la nouveauté du pied-de-nez à Disney passée. Alors profiterons-nous de cette ère où chacun peut façonner la légende à sa guise, ou tomberons-nous dans les filets du célèbre rongeur corporate ? Une question qu’on ne risque pas d’éluder de sitôt.
Source : Techcrunch