« Dans l’espace, personne ne vous entend coder. » Alors que la nuit enveloppe encore notre petit coin de l’univers de son doux manteau étoilé, une starlette des technologies modernes s’apprête à faire ses débuts scintillants. Le Vulcan Centaur, petit bijou issu de l’ingéniosité de United Launch Alliance, s’élancera dans les cieux avec à son bord un passager historique : Peregrine, le tout premier atterrisseur américain à voguer vers la Lune depuis plus d’un demi-siècle. Ce n’est pas une machine de la NASA, mais plutôt le fruit de l’imagination d’Astrobotic, une entreprise qui semble avoir pris la privatisation de la conquête spatiale très au sérieux.
En plus de sauter plus haut que ses prédécesseurs, Peregrine sera le petit veinard qui, s’il parvient à ne pas se casser la figure lors de l’atterrissage, deviendra le premier engin commercial à réussir cet exploit. Coiffeur de l’espace, vous avez-dit ? Non, plutôt livreur express lunaire pour le programme Commercial Lunar Payload Services (CLPS) de la NASA, avec à sa livraison des chargements qui pèsent leur pesant d’or – comptez 1,2 million le kilo pour être dans le coup.
Le lander, aussi haut que votre cousin Michel mais nettement moins bavard, visitera, en guise de spot de vacances idéal, le Sinus Viscositatis, ou « baie de la collante », célèbre pour ses mystérieux dômes lunaires que l’on croyait, jusqu’à preuve du contraire, modelés par une lave extra-terrestre à la fluidité particulièrement capricieuse. Il est là pour nous éclaircir ce mystère scientifique qui fait que même les experts grattent leur tête avec perplexité.
« Quand la lune se transforme en galerie commerciale intersidérale, tout le monde veut sa part du gâteau… ou du fromage. »
Le butin scientifique à livrer est copieux : Peregrine apportera à la NASA des instruments pour caractériser l’environnement local, notamment un nez électronique pour sentir les volatiles et un miroir magique pour jouer avec des lasers. Mais les Etats-Unis ne sont pas les seuls à profiter de cette aventure cosmique. L’Agencia Espacial Mexicana enverra sur le satellite de la Terre une horde de mini-rovers, qui, bien que petits par la taille, sont grands par l’ambition. Et l’Allemagne, elle, envoie un gadget pour mesurer les radiations – pratique pour savoir si on peut envisager des vacances prolongées sans revenir avec trois bras.
Si on part du principe que, dans l’espace, plus on est de fous, plus on rit, ce ne sont pas seulement des instruments sérieux qui prennent place à bord. Peregrine joue les croque-morts célestes pour Celestis et Elysium Space, en emportant une pincée de cendres humaines pour ceux qui rêvaient d’immortaliser leur dernière demeure en orbite. On trouve même dans le cortège les dépouilles spatiales de pionniers de la science-fiction et de Star Trek – parce que, visiblement, Kirk et Spock n’en avaient pas assez de voyager aux confins de l’univers dans leur propre série.
Et alors que certains, comme le Président de la Nation Navajo, crient au sacrilège en transformant la Lune en cimetière interstellaire, d’autres voient dans cette mission un tournant commercial dont la NASA se lave les mains avec une dextérité politique bien rodée. Eh oui, quand on sous-traite, on court toujours le risque de voir la Lune devenir un peu plus qu’un astre mort.
La constellation d’objets à expédier comprend aussi bien des hommages culturels, comme un bout de l’Everest, que des messages d’enfants encapsulés ou encore, tenez-vous bien, des projets liés au bitcoin – parce que si l’argent ne fait pas le bonheur, en l’occurrence, il veut au moins faire le voyage jusqu’à la Lune. Alors qu’on attend fébrilement de savoir si Peregrine réussira son alunissage prévu pour le 23 février, une chose est sûre : les échecs passés nous rappellent que l’atterrissage lunaire est loin d’être une promenade dans l’espace.
Source : Engadget