Comme le disait un célèbre pirate informatique en herbe : « Si tu ne peux pas les convaincre avec ta politique de modération, embrouille-les avec ton absence de modération! » Ah, Substack, où les plumes les plus diverses atterrissent pour élever des newsletters de tous les horizons… Seulement voilà, il semblerait que le nid accueille également des volatiles d’un plumage plus sombre et plus controversé. Oui, je parle de cette espèce nuisible ornée de croix gammées et autres symboles d’un goût douteux.
Un petit coup de bec dans la plateforme parue sur l’Atlantique nous révèle qu’une guerre civile de la plume s’y joue. Avec près d’une centaine d’auteurs réputés battant leur indignation au vent, Substack se voit bombardé de questions philosophiques à coup de lettres ouvertes : « Votre vision du succès inclut-elle des nazis comme invités d’honneur? »
Le grand manitou de Substack, Hamish McKenzie, s’est voulu rassurant – en mode « Je n’aime pas non plus les nazis » –, mais il faudra plus qu’une note discordante pour harmoniser le tout. Il lâche du lest en continuant d’héberger ce contenu extrême, tout en alignant quelques balises qui sont, disons, « sujettes à interprétation ». En gros, il prône une approche décentralisée de la modération, ce qui veut probablement dire que ça reste entre eux et leur conscience…
Substack a pris une position de modération légère, mais ses auteurs sonnent l’alarme.
Et oui, certains auteurs menacent de prendre le large, bagages numériques sous l’aile, pour d’autres horizons épistolaires. L’exemple le plus récent est Today in Tabs, qui a volé jusqu’à Beehiiv, certainement enchanté par ce nouvel environnement potentiellement moins bourdonnant.
Cependant, l’entreprise n’a pas l’air de s’alarmer. Après tout, elle a déjà enduré des controverses passées, faisant fuir de sa plateforme toute une colonie de transgenres entre autres. Reste la fierté d’une boîte à outils de publication de première classe et une part de profits alléchante qui attire les auteurs épuisés à l’idée de se débattre dans le marais traditionnel de la publication en ligne.
Mais, comme le savent bien nos amis les cygnes, on peut être majestueux en surface et pédaler frénétiquement en-dessous. En effet, questionné sur la modération des contenus, Chris Best, l’autre CEO de Substack, a semblé barboter dans un étang de confusion tout en flottant vers une défense assez vague pour maintenir à flot l’idéologie extremiste lucrative en eaux troubles.
Malgré cet écosystème quelque peu agité, McKenzie exprime son regret, mais sans convaincre pleinement. Il réalise un geste flasque pour rectifier le tir mais, ô ironie, Substack permettait encore récemment à Richard Spencer, organisateur de Unite the Right et un suprémaciste blanc notoire, de transformer sa newsletter en une petite source de revenus – bien entendu, moyennant une commission pour Substack.
La polémique continue de tourbillonner, mais Substack semble se cramponner à son perchoir, invoquant la promesse de travailler sur de meilleurs outils de signalement par les utilisateurs, qui feront donc le sale boulot de modération à la place de la plateforme. Noble entreprise ou habile esquive? L’avenir nous le dira.
Ce n’est donc pas demain la veille qu’on verra les têtes penchées de Substack s’orienter sérieusement vers une modération de contenu éthique s’ils souhaitent garder les scribouillards du mainstream et leurs abonnés sous leur aile. Car, comme le dit le proverbe, même un cygne ne peut évoluer sereinement dans une mare aux canards sauvages. Substack a beau être un cocon douillet pour les esprits indépendants, ces nouvelles turbulences ajoutent une précarité regrettable à l’instabilité perpétuelle du monde de l’édition.
Source : Techcrunch