“L’espace, la dernière frontière… pour les investisseurs avertis”
Quand Bulent Altan, ancien ingénieur chez SpaceX, et l’investisseur Joram Voelklein ont jeté un coup d’œil au secteur spatial européen à la fin des années 2010, ils ont été surpris. Ça ressemblait étonnamment aux débuts de NewSpace aux États-Unis au début des années 2000. Ils ont donc pris les devants avec un investissement personnel dans la startup allemande Isar Aerospace.
Mais leur ambition ne s’est pas arrêtée là. En 2020, ils ont lancé Alpine Space Ventures à Munich, en visant à renforcer le secteur spatial autant en Europe qu’aux États-Unis. Et après deux ans de levée de fonds, ils ont clôturé leur premier fonds de 184 millions de dollars (170 millions d’euros), le plus important fonds de capital-risque de première levée dédié à l’espace au niveau mondial. Pas mal pour un début, non?
Leurs investisseurs incluent plus de 20 anciens employés de SpaceX et de grandes institutions comme le Fonds Européen d’Investissement et le Fonds d’Innovation de l’OTAN. Avec cet argent, ils prévoient effectuer entre 10 et 15 investissements, dont cinq sont déjà faits, avec des chèques allant jusqu’à 5,4 millions de dollars (5 millions d’euros). D’ailleurs, environ 70% des fonds sont destinés aux entreprises européennes, mais ils ne vont pas bouder les opportunités de l’autre côté de l’Atlantique.
Alpine Space Ventures, avec ses racines profondes chez SpaceX, vise à insuffler la même dynamique innovante au secteur spatial européen avant que celui-ci ne soit totalement verticalisé.
Altan explique que leur approche est très alignée avec celle de SpaceX. Ils investissent dans des entreprises qui tirent parti du secteur des satellites ouvert par SpaceX, sans chercher à rivaliser directement avec le « gorille de 800 kilos » de l’industrie. Leur thèse est simple : à mesure que l’industrie spatiale grandit, un réseau de fournisseurs se développera, similaire à celui de l’industrie automobile.
Actuellement, le portefeuille d’Alpine Space Ventures compte cinq entreprises, dont K2 Space à Los Angeles, qui rêve de construire des satellites massifs pour un avenir propulsé par Starship, et Reflex Aerospace en Allemagne. Voelklein souligne que leur forte expertise technique leur permet de repérer les maillons manquants dans la chaîne de valeur de l’industrie spatiale.
Le secteur spatial est unique et présente ses propres défis pour les investisseurs en capital-risque. Bien que de nombreuses entreprises promettent de grandes innovations techniques, identifier celles qui réussiront dans un cycle de fonds classique de 10 ans est un vrai casse-tête, comme le souligne Altan. C’est pourquoi il est essentiel de connaître l’industrie de l’intérieur.
En fin de compte, même avec ses ambitions interstellaires, Alpine Space Ventures doit convaincre politiciens et investisseurs potentiels de s’adapter à la nouvelle norme de l’industrie spatiale : l’itération rapide du matériel. La véritable clé du succès, surtout en Europe, sera peut-être de débloquer le soutien gouvernemental pour booster l’innovation, à l’image des États-Unis avec leurs contrats pharamineux pour SpaceX et consorts. Un bon partenariat transatlantique, rappelle Altan, dépend de la capacité de l’Europe à développer ses propres compétences de manière autonome.
La levée de fonds a pris plus de temps que prévu à cause des bouleversements géopolitiques comme la guerre en Ukraine et la fin des taux d’intérêt zéro, avoue Altan. Mais en dépassant leur objectif initial de 160 millions d’euros, ils prouvent qu’ils n’ont pas juste atteint les étoiles, ils les ont touchées !
Finalement, investir dans l’espace, c’est un peu comme jouer à cache-cache… avec des satellites !
Source : Techcrunch