Que faut-il vraiment pour changer la donne dans l’univers très masculin de la tech ? La légitimité d’un fondateur dépend-elle de ses diplômes, de son expérience technique ou d’une vision qui bouscule les codes ? Reshma Saujani, fondatrice de Girls Who Code, jette un pavé dans la mare et se confie, sans filtre, dans le podcast de Meghan Markle, « Confessions of a Female Founder ».
Comment une femme qui avoue ne jamais avoir codé a-t-elle réussi à former plus de 670 000 jeunes femmes à la programmation, au point de recevoir le soutien de pointures comme Jack Dorsey ou Microsoft ? Saujani elle-même reconnaît : « Si j’avais postulé pour être CEO de Girls Who Code, je n’aurais même pas été choisie. » Ayant échoué à une campagne au Congrès, sans bagage technologique, elle décide malgré tout de fonder l’une des associations les plus influentes dans l’enseignement du code aux filles. Pourquoi persévérer dans un système qui semble si verrouillé, et comment expliquer cette réussite atypique ?
Mais derrière cette ascension, quels sacrifices personnels sont nécessaires ? Pendant qu’elle bâtissait son organisation, Saujani a connu des épreuves intimes : fausses couches, maladies, tout en masquant sa souffrance pour inspirer des jeunes. Est-ce le prix à payer pour qu’une femme puisse ouvrir la voie en tech ? Dans un secteur qui subit le contrecoup des politiques DEI (diversité, équité, inclusion), pourquoi certains projets comme Girls Who Code survivent-ils alors que d’autres organisations dédiées aux femmes ferment les unes après les autres ?
La réussite des femmes en tech demande-t-elle encore une dose de sacrifice invisible et de résistance à l’adversité ?
L’interview, riche en anecdotes inédites, évoque aussi la maternité et la charge mentale des fondatrices, ces sujets rarement abordés publiquement par les dirigeants d’organisations. Meghan Markle dit espérer inspirer d’autres femmes à s’engager dans l’entrepreneuriat social. Mais sommes-nous prêts à écouter vraiment leurs histoires, là où les hommes sont d’abord jugés sur leurs succès et non leurs failles ?
À travers des échanges parfois crus, Saujani évoque la dure loi des levées de fonds : « Allez chercher un conseil, on vous donnera peut-être de l’argent ; demandez de l’argent, on vous donnera juste un conseil. » Plus largement, elle livre une leçon essentielle : il faut parfois oser sauter dans l’inconnu pour combler le gouffre entre les besoins réels des jeunes femmes et l’offre famélique d’opportunités dans la tech. Ce message est-il entendu alors que la révolution de l’intelligence artificielle accentue la sous-représentation et l’exposition aux dangers numériques, comme les deepfakes ?
Le parcours de Saujani montre aussi le coût émotionnel de l’intégration pour les enfants d’immigrés : harcèlement, pression pour s’assimiler… Elle affirme avoir choisi d’assumer sa différence pour mieux la transmettre. N’est-ce pas là une condition pour que les futures générations disposent enfin des armes nécessaires face à la tech de demain ?
En créant ensuite Moms First pour défendre la cause des mères au travail, Saujani prouve que l’engagement ne s’arrête pas à l’inclusion numérique. Pourtant, elle confie craindre de voir reculer, pour la première fois, les droits des femmes. Son ultime conviction est sans appel : « On perd, on perd, on perd… et puis un jour, on gagne. » Mais combien de défaites la tech devra-t-elle encore enregistrer avant qu’enfin les femmes y soient à leur juste place ?
Source : Techcrunch