Le marché des clients mail avait-il vraiment besoin d’une nouvelle révolution guidée par l’intelligence artificielle ? Voilà la question que pose l’arrivée très remarquée de Notion Mail, une solution développée par la célèbre plateforme de gestion de projets et de documents. Que peut bien proposer Notion Mail, lancé officiellement ce mardi, pour se distinguer dans une catégorie déjà envahie de start-ups promettant de « réinventer » la gestion de nos inbox ?
À première vue, Notion Mail coche toutes les cases attendues : connexion à Gmail, réponses intelligentes automatisées, organisation facilitée des courriels, et intégration profonde dans l’écosystème Notion. Gratuit jusqu’à une certaine limite puis payant, le service s’adresse à tous les utilisateurs du géant de la productivité. Mais cette promesse de simplification, n’est-elle pas déjà le mantra de produits concurrents comme Superhuman ou Fyxer, qui lèvent chacun des millions pour leur propre vision de l’email intelligent ?
De plus, on ne peut ignorer que les fonctions phare de Notion Mail – suggestion de réunions, tri automatique, rédaction assistée – existent depuis belle lurette chez Gmail ou Outlook, épaulés par leur propre IA maison. Qu’est-ce qui justifie alors l’enthousiasme autour de Notion Mail ? Est-ce un simple coup marketing, ou une vraie rupture dans notre rapport à la messagerie professionnelle ?
Notion Mail veut donner à chaque utilisateur le contrôle total sur la structure de sa boîte de réception grâce à une IA configurable et des options d’organisation inédites.
Jason Ginsberg, en charge du projet chez Notion et ancien fondateur de Skiff (solution rachetée par Notion en 2024), affirme que l’ambition va bien plus loin que de coller une couche d’IA sur de l’existant. Notion Mail, explique-t-il, se veut modulaire : chaque utilisateur peut entièrement paramétrer l’organisation de sa boîte, créant des vues personnalisées ou des dossiers dynamiques alimentés par une IA capable de reconnaître les thèmes des messages et de les trier intelligemment. Adieu la « one size fits all inbox », bienvenue dans l’ère du « sur-mesure » numérique.
Cette modularité, héritée en partie de la technologie Skiff, serait la clé de voûte du projet : possibilité d’isoler automatiquement les réponses de clients, de suivre des candidatures, d’associer la boîte mail à la Knowledge Base interne ou au calendrier Notion pour suggérer, par exemple, des créneaux de rendez-vous sans sortir de sa messagerie. Est-ce là le chaînon manquant entre l’email, souvent vu comme un outil archaïque, et les workflows modernes devenus la norme dans les entreprises technophiles ?
Si l’ambition est forte, reste à voir si la promesse tiendra face à des géants aux moyens colossaux et des consommateurs de plus en plus méfiants vis-à-vis de la confidentialité de leurs données. Ginsberg assure que la sécurité n’est pas laissée de côté, grâce notamment à l’apport technologique de Skiff. Mais, dans un contexte où la confiance utilisateurs est régulièrement ébranlée, cette dimension sera-t-elle suffisante ?
En définitive, Notion Mail joue la carte de la personnalisation poussée et de l’intégration profonde à l’écosystème de productivité. Une stratégie qui peut séduire les adeptes de la plateforme, mais qui suffira-t-elle à déplacer des utilisateurs rompus aux réflexes Gmail/Outlook ? Le marché saura-t-il faire la différence entre de « nouvelles » propositions et de simples adaptations de fonctions déjà vues ailleurs ?
Sommes-nous devant une révolution durable ou une énième tentative de dépoussiérage d’un outil dont la majorité pense qu’il est déjà optimisé ?
Source : Techcrunch
