Comment une simple expression peut-elle soulever tant de controverses et de débats sur la liberté d’expression ? C’est la question qui se pose lorsque l’on examine le cas de l’Oversight Board pressant Meta de revoir sa manière de modérer le terme arabe « shaheed ». Pourquoi ce mot précis a-t-il conduit à plus de suppressions de contenu que tout autre mot ou phrase sur les plateformes de l’entreprise ? Meta a sollicité l’an dernier l’aide de ce groupe pour élaborer de nouvelles règles, après que ses propres tentatives de révision interne se soient enlisées, mais quelle catalyse cette initiative ?
« Shaheed », un mot souvent traduit par « martyr », porte en lui une complexité linguistique que Meta semble avoir ignorée. En se basant uniquement sur la définition de « martyr », qui impliquerait, selon la société, une forme d’éloge, Meta a mis en place une interdiction globale de ce terme lorsqu’il est utilisé en référence à des individus considérés comme « dangereux ». Mais cette politique peut-elle réellement distinguer entre l’éloge et l’utilisation neutre ou académique du terme ?
Le conseil d’administration de la surveillance affirme que la suppression systématique du terme « shaheed » a probablement conduit à éliminer une quantité significative de contenu qui ne visait pas à louer des terroristes ou leurs actions violentes. En recommandant à Meta de mettre fin à son interdiction globale du mot lorsqu’il fait référence à des « individus dangereux », et de retirer des posts uniquement s’il existe d’autres indicateurs clairs de violence, le Conseil d’Administration montre-t-il une voie vers une modération plus nuancée et respectueuse du contexte ?
La modération de contenu peut-elle réellement bénéficier de la nuance et de la complexité ?
Si Meta adopte les recommandations du Conseil d’Administration, cet ajustement pourrait avoir un impact considérable sur les utilisateurs arabophones de la plateforme, transformant potentiellement la manière dont leurs voix sont entendues et représentées en ligne. Cependant, la préoccupation soulevée par le co-président du conseil, Helle Thorning-Schmidt, quant au fait que la censure pourrait marginaliser des populations entières sans améliorer la sécurité, est-elle un indice que les politiques de modération actuelles de Meta pourraient être plus préjudiciables qu’utiles ?
Il est important de noter que ce n’est pas la première fois que Meta est critiquée pour ses politiques de modération, qui semblent impacter disproportionnellement les utilisateurs arabophones. Un rapport de 2022 a mis en lumière l’inexactitude des modérateurs de Meta lorsqu’il s’agit d’évaluer l’arabe palestinien, résultant en de fausses pénalités pour les comptes des utilisateurs. Comment Meta peut-elle rectifier ces problèmes systémiques tout en s’adaptant aux recommandations du Conseil d’Administration ?
À l’aune des suggestions du Conseil d’Administration et d’une réponse attendue sous soixante jours, l’approche future de Meta concernant le terme « shaheed » pourrait être un baromètre pour comprendre comment l’entreprise envisage de naviguer dans les eaux troubles de la modération de contenus à l’échelle mondiale. La société trouvera-t-elle le juste équilibre entre liberté d’expression et impératif de sécurité, ou cette initiative marquera-t-elle un nouvel échec dans la lutte contre la censure et le biais culturel ?
En fin de compte, la question demeure : Meta réussira-t-elle à adopter une approche de modération qui respecte la complexité linguistique et culturelle, ou continuera-t-elle à naviguer dans un océan de critiques et de controverses ?
Source : Engadget