Pourquoi Sandvine, une entreprise de surveillance-web à l’origine de nombreux scandales, décide-t-elle soudainement de se retirer de plusieurs pays non-démocratiques? Est-ce une prise de conscience ou une manœuvre stratégique? La compagnie canadienne, accusée par le passé d’avoir vendu ses produits de surveillance à des régimes autoritaires, a récemment annoncé son départ de 56 pays.
Dans une déclaration publique, Sandvine prétend désormais vouloir devenir un « leader en solutions technologiques pour les démocraties ». Cette transformation radicale intervient après des années d’enquêtes menées par Bloomberg qui ont révélé que l’entreprise avait fourni ses outils à des gouvernements répressifs tels que la Biélorussie, l’Égypte, l’Érythrée, les Émirats arabes unis et l’Ouzbékistan. Pourquoi cette volte-face soudaine?
Les critères utilisés pour décider de ces retraits semblent rigoureux. Sandvine affirme que sa décision reposait sur une analyse de l’Indice de Démocratie 2023 de The Economist Intelligence Unit, en consultation avec plusieurs départements du gouvernement américain. Mais pourquoi ne pas nommer les 56 pays concernés, à l’exception de l’Égypte? Une telle transparence pourrait conforter leur nouveau positionnement.
Le changement de direction de Sandvine est-il une réelle transformation éthique ou simplement une réponse aux pressions gouvernementales?
Les États-Unis ont placé Sandvine sur une liste noire, ou « Entity List », accusant l’entreprise d’avoir contribué à la surveillance et à la censure de masse en Égypte. D’autres rapports, notamment ceux de Citizen Lab, ont également attiré l’attention sur l’utilisation des technologies de Sandvine en Turquie et en Syrie pour rediriger les utilisateurs vers des logiciels espions. Les sanctions américaines montrent bien l’efficacité de telles mesures sur les entreprises de surveillance.
John Scott-Railton, chercheur senior chez Citizen Lab, affirme que l’effondrement de Sandvine démontre le pouvoir des sanctions américaines pour contrôler la prolifération de la technologie de surveillance. Ron Deibert, directeur de Citizen Lab, partage cette opinion et souligne l’importance de la recherche, du journalisme d’investigation et du plaidoyer public, lorsqu’ils sont combinés avec des régulations gouvernementales ciblées.
Les États-Unis visent de plus en plus les entreprises de surveillance. En 2021, le ministère du Commerce a ajouté NSO Group à sa liste noire, bloquant ainsi les entreprises américaines de collaborer avec ce fabricant du logiciel espion Pegasus. En 2023, Intellexa, créateur du spyware Predator, a subi le même sort. Et cette année, le Trésor américain a sanctionné Tal Dilian, fondateur d’Intellexa, provoquant des inquiétudes chez d’autres concepteurs de logiciels espions.
Ceci soulève une question cruciale: la transformation de Sandvine est-elle vraiment une question d’éthique, ou simplement une réponse calculée aux pressions internationales?
Source : Techcrunch